Addictologie et Alcoologie
Rôle des mouvements d’entraide en addictologie
Les mouvements d’entraide ou groupes néphalistes sont étroitement associés à nos pratiques thérapeutiques et contribuent grandement à la réussite des cures de sevrage.
L’Unité pour la Recherche et les Soins en Addictologie (l’URSA), intervient ainsi en tant qu’association d’usagers et accueille toutes personnes concernées par la maladie alcoolique.
Les mouvements d’entraide, une aide précieuse pour réussir une cure de sevrage
Le mot « néphaliste » vient étymologiquement du mot grec νηφάλιος (état sans nuages) qui veut dire « capacité de penser en état de conscience claire, dépourvue de toute altération chimique, comportementale ou relationnelle ». Avec le temps, le mot néphaliste a eu une connotation surannée et il a dû céder la place à l’expression « mouvements d’entraide » à l’instar d’autres mouvements d’entraide pour ceux qui souffrent de maladies chroniques. C’est le caractère chronique de la maladie alcoolique qui se trouve alors pris en considération.
Nous souhaitons privilégier l’expression « néphaliste » qui désigne un parti pris identificatoire dans le soin, bien qu’en pratique il s’agit, toujours, de mouvements d’entraide.
Historiquement, l’activité thérapeutique de ces groupes a précédé de plusieurs décennies la protocolisation de soins médico-psycho-sociaux en alcoologie. Cependant, leur activité n’a jamais été qualifiée de soignante car les membres de ces groupes sont des volontaires et qu’ils n’ont pas de diplôme de professionnels de santé.
Ces groupes interviennent auprès des patients pour les accueillir, les soutenir et les accompagner. En effet, si le sevrage de l’alcool reste l’affiche centrale de tout protocole alcoologique, le travail des soignants va au-delà des soins liés au sevrage médicalement assisté pour proposer au patient, en amont, un travail motivationnel, puis, en aval, l’aider à développer des outils d’évitement de la rechute.
Quelle que soit la technique thérapeutique d’approche, le travail motivationnel se déroule selon deux axes : d’une part, accepter que la personne soit atteinte d’une maladie indépendamment de sa volonté et sans aucune connotation morale, et d’autre part, faire une balance décisionnelle qui l’amènera à prendre la décision de se soigner et de s’approprier la démarche.
Pour ce faire, les groupes néphalistes proposent un espace relationnel régulier, constant, rassurant et une philosophie d’accueil caractérisée par la bienveillance, la tolérance et l’espoir en la personne et en l’avenir.
Pour la personne alcoolique, encore indécise quant à l’éventualité d’une cure de sevrage et à l’arrêt des consommations, la fréquentation d’un groupe néphaliste lui permettra d’expérimenter un accueil sans jugement par des pairs rétablis ayant reconnu avoir souffert de cette maladie et capables de témoigner sur leur parcours de soins sans omettre, ni masquer, leur situation alcoolique précédente, ce qui pèsera, certainement, sur sa balance décisionnelle.
En ce sens, la fréquentation d’un groupe néphaliste soutient et renforce le travail motivationnel tenté par l’équipe soignante. Parfois, la personne alcoolique ambivalente prend contact avec un groupe néphaliste avant de faire la démarche de solliciter un rendez-vous auprès d’une équipe soignante. Elle espère ainsi, via les témoignages des rétablis, dépasser sa timidité et sa peur de faire face à un soignant.
A la suite d’une cure de sevrage le patient, fraîchement abstinent, trouvera en fréquentant, un ou plusieurs groupes néphalistes, un soutien inconditionnel pour mettre en œuvre les changements nécessaires afin de consolider son abstinence et créer un contexte plus propice à son épanouissement.
Afin d’éviter la rechute, certains conseils de bon sens semblent indispensables mais leur efficacité est renforcée par la répétition et le partage avec d’autres patients. C’est surtout certains changements de « philosophie de vie quotidienne » qui éloignent le patient de la rechute et le mènent sur le chemin du rétablissement :
- renforcer son estime de soi afin de sortir de sa timidité et cesser d’être drapé dans l’illusion d’une différence orgueilleuse,
- s’habituer à partager les émotions et les sentiments,
- trouver du « matériel » pour faire évoluer son identité et s’habituer à parler en son nom propre,
- se sentir soutenu pendant le réaménagement de sa vie relationnelle et souvent pour contempler un passé fait de dégâts, de ruines, d’échecs,
- se sentir renforcer dans la croyance qu’il est possible de ne pas rechuter, de vivre parmi les autres, normalement, sans recours à l’alcool et de se donner un avenir.
Le patient alcoolique trouvera, lors des réunions, des conseils maintes fois répétés pour faire face à « la pulsion » (autrement dit « craving ») et l’occasion d’entendre les mots qui lui font défaut pour exprimer son malaise et sa souffrance, prononcés lors des témoignages de camarades.
Il saura, après peut-être un premier temps d’observation dans l’intimidation, partager ses émotions (colères, peurs, craintes et espoirs, rires, affections) et se sentir de retour réconforté. A partir des partages de témoignages croisés, il se sentira de moins en moins seul et différent et il construira une nouvelle identité en miroir ou en opposition aux positionnements des camarades. Mais, pendant ce temps-là, le patient fera surtout une expérience salvatrice que la consommation de l’alcool lui interdisait : vivre et évoluer avec les autres et y croire sans craindre d’être déçu ni abandonné.
Il est connu qu’un nombre très important de malades alcooliques ont souffert, bien avant de développer la maladie, d’abandons, de deuils, de trahisons, de sévices psychologiques, physiques voire sexuels et de multiples dévalorisations. Cette affirmation n’est ni une justification ni une explication de la maladie puisque d’autres personnes ayant, également, subi les mêmes maltraitances ou malheurs ne manifestent pas de maladie alcoolique. Mais c’est un élément central pour comprendre que, pour une majorité de patients, les consommations alcooliques sont intégrées dans un « style de vie » et que le chemin du rétablissement suppose un changement radical de « philosophie de vie quotidienne ».
En ce sens, les groupes néphalistes sont des contributeurs essentiels du changement.
Une telle approche de la fonction des mouvements d’entraide auprès des patients alcooliques pourrait expliquer également le processus qui permet à certaines personnes, présentant des troubles liés à l’usage à l’alcool, d’accéder à l’abstinence –qui plus est l’abstinence heureuse- sans avoir, pour autant, recours au système de soins, en intégrant uniquement un groupe néphaliste. Ils se sont, effectivement, offerts la possibilité de faire évoluer leur style de vie et leur philosophie de vie quotidienne de sorte que la consommation de l’alcool serait devenue obsolète.
Il existe donc une complémentarité évidente entre système de soins et participation à des groupes néphalistes. Ceci n’est pas surprenant puisque la majorité des protocoles thérapeutiques en alcoologie se sont inspirés du fonctionnement des groupes néphalistes.
Il s’agit en fait de joindre la trajectoire du patient dans l’espace soignant et la trajectoire du patient dans l’espace néphaliste. L’objectif étant que le patient puisse circuler librement entre les deux espaces et profiter des expériences qui sont complémentaires. Il est indispensable de proposer cette jonction au patient alcoolique fraîchement abstinent car si le corps est sevré, le cerveau est toujours « possédé par l’esprit de l’alcool » et effrayé devant les réalités relationnelles qui s’ouvrent dorénavant devant lui.
C’est cette fonction de jonction qui est en jeu lors des séances du Grand Cirque qui font partie du protocole thérapeutique de l’alcoologie clodoaldienne, à Sèvres depuis 2011.
L’Unité pour la Recherche et les Soins en Addictologie – URSA
L’URSA est une association loi 1901 à but non lucratif, créée en 1984 par le Dr Niox-Rivière, ancienne responsable de l’addictologie clodoaldienne qui a succédé au Dr Haas, l’initiateur de nos protocoles de soins.
Elle est étroitement liée au fonctionnement thérapeutique et institutionnel du « réseau alcoologique Dr Haas » du CH4V.
L’URSA réunit des rétablis et des soignants professionnels. La problématique soignante clodoaldienne a affiné la démarche « néphaliste » en mettant l’accent sur le contraste entre le risque, toujours possible, de la rechute et la joie d’en être libéré. Il s’agit de patients (certes chroniques) mais actuellement rétablis. Cette association originale permet aux soignants de diversifier les offres thérapeutiques et aux rétablis d’assurer des groupes d’information et de convivialité. Le capital de chacun est pris en compte dans sa triple dimension : psychologique, médicale et socioculturelle.
L’activité permanente et la plus importante est l’accueil destinée aux hospitalisés, aux patients ambulatoires, aux sortants, aux anciens et aux proches et, plus globalement, à toutes les personnes concernées par la maladie alcoolique.
Les autres mouvements d’entraide y sont présents à tour de rôle et d’autres activités y sont proposées : théâtre, art-thérapie, relaxation, atelier radio, randonnée…